L’édito de la saison 2019-2020

Publié le 22 août 2019

Troisième lieu : le lieu du lien

Nous évoquions, il y a deux ans, en conclusion de l’éditorial de la saison anniversaire, comme un possible développement de l’Archipel d’être, plus encore, le lieu du lien. Nous pressentions cette nécessité. Ces derniers mois nous poussent à agir.

Le réel est un cas particulier du possible. C’est la belle fonction de la politique que de transformer un possible en un réel. Et il y a urgence à recréer du lien car nous ne faisons plus société, nous ne savons plus faire société. Pourquoi ? Les raisons sont multiples et il serait vain d’en tenter ici le recensement. Mais ce qui est très perceptible de nous tous, c’est la rencontre, la collision même, d’un mouvement anthropologique de fond, lent et profond, et d’un mouvement technologique  récent tout aussi irrépressible que rapide. Cette tectonique des plaques sociales et technologiques a pour effet d’accélérer l’atomisation de notre société. Ainsi, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la mobilité géographique des individus  s’est accélérée, fragmentant des familles autrefois élargies. Dans le même temps les institutions fabriquant de la mixité sociale et générationnelle, tels l’église, les partis politiques et syndicats, ou plus encore les bistrots ont perdu pied. Et cette faculté à sortir du groupe, l’individu l’a d’autant plus saisi que le modèle économique actuel a bâti sa croissance sur cette émancipation individuelle nouvelle, incitant tout un chacun à préférer son propre épanouissement à celui du collectif. Dernier coup de boutoir, et pas des moindres : la révolution numérique en cours. Elle facilite, certes, rend plus accessible, mais qu’il s’agisse des démarches ou des jeux vidéo en ligne, des formations et des
cours à distance, elle engendre aussi une perte du contact avec l’autre. Les humains interagissent plus mais se côtoient moins. Des groupes se constituent par affinités culturelles, politiques, générationnelles créant ainsi une forme d’homogamie sociale. On reste de plus en plus entre-soi et l’on se comprend de moins en moins entre-nous, par méconnaissance des caractéristiques et des attentes des autres groupes et des difficultés qu’ils rencontrent. Tout cela empêche de faire société, alors même que les défis à relever aujourd’hui sont cruciaux (deux d’entre-eux, l’anxiogène dérèglement climatique et l’incroyable persistance des inégalités homme-femme feront d’ailleurs l’objet de nos temps forts cette saison).

Il faut donc aujourd’hui ressusciter une interaction physique, générationnelle et sociale. Un établissement culturel peut et même doit s’emparer d’un tel objectif. Il a vocation à devenir ce que l’on appelle un « troisième lieu », c’est-à-dire un lieu où l’on se plaît à se rendre et à séjourner entre son lieu de travail/scolarité et son domicile. Un troisième lieu, c’est un peu la place du village version indoor. À l’instar d’une place, il a vocation à accueillir, toutes et tous, sans discrimination ni considération d’âge ou de classe sociale.

À compter du 1er octobre, l’Archipel ouvrira donc plus largement ses portes. Du mardi au samedi, de 10h00 à 12h00 et de 15h00 à 19h00 le foyer-bar de l’Archipel, repensé et réaménagé pour l’occasion, sera ouvert en mode salon de thé. Vous pourrez y consommer, ou pas, lire la presse, un magazine, un livre de beaux-arts, ou pas, jouer, faire vos devoirs, ou pas, somnoler à l’ombre du jardin mexicain sur le patio, attendre qu’un enfant ou un copain revienne de son cours de musique ou de danse, assister aux auditions du Conservatoire, aux débats de la Médiathèque, rencontrer les équipes artistiques en résidence, mais surtout vous pourrez vous croiser vous, habitant.e.s du territoire fouesnantais, partager et écouter, témoigner et transmettre vos expériences aussi, pour mieux vous connaître, et qu’ensemble nous prenions du plaisir à être.

lieu = lien. Faites pivoter le u et vous obtenez n, le un devient nous et le mot lieu devient le mot lien. Voilà l’ambition de l’Archipel pour demain !

Roger Le Goff, maire de Fouesnant-les Glénan
Frédéric Pinard, directeur de l’Archipel